Une
célèbre citation de Frédéric II, en 1740, est censée illustrer la grande tolérance
de ce monarque, moderne, philosophe et prussien : alle Religionen Seindt gleich und guht wan nuhr die
leüte so sie profesiren Erliche leüte seindt, und wen Türken und Heiden kähmen
und wolten das Land Pöpliren, so wollen wier sie Mosqueen und Kirchen bauen.[1]
Tentons de traduire: Toutes les religions sont égales et bonnes tant que
les gens qui les professent sont honnêtes et si des Turcs et des Païens venaient
et voulaient peupler le pays, nous voudrions leur bâtir des mosquées et des
églises (ou temples).
Hâtons-nous de rendre la philosophie populaire ! s’était
écrié Diderot. Frédéric se hâtait, mais lentement.
Il y eut sans doute, dès le XVIIIe siècles, quelques
imitations, mais c’étaient davantage des jeux d’architectes et une allusion
orientaliste dans les parcs que ce qu’annonçait le Grand Frédéric. Puis pendant
la Première Guerre mondiale, on regroupa, vers Zossen, au sud de Berlin, des
prisonniers musulmans autour d’une Mosquée de fortune.
Cependant, en 1928, la première mosquée d’Allemagne voyait
enfin le jour à Wilmersdorf. Elle fut construite par la décision de la
communauté Ahmadiyya Lahore, société de promotion de l’Islam, dont le
responsable Mirza Bashir-ud-Din Mahmud Ahmad avait admiré la mosquée de Woking (1889) et fondé nouvellement
à Londres la mosquée Fazl en 1924.
L’architecte berlinois K. A. Hermann conçut un édifice en
style moderne, indien-islamique, évoquant fortement l’architecture moghole du
grand Taj Mahal. De fait, le visiteur qui tombe soudainement, au détour d’une
rue de ce paisible quartier résidentiel, sur la Mosquée Ahmadiyya, croit tout d’un
coup être devant un Taj Mahal en miniature. Même s’il n’a jamais mis les pieds
en Inde : il est en Inde.
Pourtant, il s’agit bien d’une mosquée, mais la communauté
qu’elle abrite est bien minoritaire[2],
très loin d’être la plus présente sur le sol allemand. Dans son lieu d’origine,
maintenant le Pakistan, elle n’est même pas reconnue ! Il nous faut
préciser : le mouvement pour la diffusion de l’Islam Lahore Ahmadiyya est déjà
en 1914 issu d’une scission du mouvement Ahmadiyya.
Quant à la secte, elle semble très paisible et peu dogmatique,
dans l’esprit des attentes de Frédéric II finalement…
[1]
Cité par Herman von
Petersdorff (1864-1929) dans Fridericus Rex : ein Heldenleben, Verlaghaus
für Geschichtliche Veröffentlichungen, 1925, Görlitz, p. 85
[2] Le Tagesspiegel
dénombre en 2001 au plus 60 adhérents à cette secte !
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