Rue
Humboldt
En 1925, le 18 juin
très exactement, peu d’années après la fin de la Grande guerre, la rue
Alexandre-de-Humboldt, sise à proximité de l’Observatoire de Paris, fut débaptisée.
Elle réunissait une des plus anciennes rues de Paris, la rue Saint-Jacques, à
celle de la Santé, longeant la prison du même nom. Elle s’appelle désormais la
rue Jean Dolent, critique d’art (1835-1909) dont il n’est nullement ici
question de vouloir diminuer les mérites.
Alexandre de Humboldt
(1769-1859) a été une des grands savants allemands du XIXe siècle, un immense
voyageur et découvreur. Il parti jusqu'à Cuba, visita Carthagène, Lima, fit l'ascension du Chimborazo, parcouru le Mexique et l'Amérique du nord... La parution de son Voyage aux régions équinoxiales (1807-1831) entrepris avec Amédée Bonpland marquera l’Europe
savante.
Installé en 1798 à
Paris, qu’il ne quitta que pour ses voyages américains (1799-1804) jusqu’en
1826, pour continuer d’y retourner fréquemment. Autrement dit, Alexandre de
Humboldt est parisien, son milieu intellectuel et savant se trouve à Paris :François
Arago, Biot, Gay-Lussac, outre Cuvier, Lamarck, Laplace, Vauquelin, Berthollet,
Chaptal et tant d’autres qui composent ensemble une toponymie parisienne d’où
il a été sans raison exclu en 1925. C’est en outre, pour une large partie de
son œuvre, un écrivain français.
Le 21 décembre
1988, par une sorte de dédommagement peu glorieux, un fragment de rue, l’ancienne
BX/19 dans le 19e arrondissement est attribué à Humboldt : 25
m. de long (contre plus 300 auparavant), longée d’immeubles modernes sans
caractère, et, symboliquement, en impasse (elle débouche sur le quai de la
Marne).
Compte tenu du
petit nombre de toponymes allemands dans la Ville de Paris, plutôt présents à
travers les noms de bataille napoléoniennes que par les serviteurs de l’esprit,
il serait juste de rétablir en ses lieux Alexandre de Humboldt, exemple de l’internationalité
des échanges savants avant et malgré les guerres. Rue Goethe, rue Henri Heine,
soit. Plus récemment une rue Thomas Mann. C’est bien peu. C’est trop peu pour le
parisien d’adoption qu’était Alexandre. Ne pourrait-on pas laisser à son frère,
lui aussi longtemps parisien (on lui doit un passionnant Journal parisien des années postrévolutionnaires), la nouvelle rue Humboldt, et restituer la sienne
à Alexandre ?
En mai 2014 eut
lieu à l’Observatoire de Paris une magnifique exposition consacrée aux « Frères Humboldt et l’Europe de l’esprit » (les curateurs étaient Bénédicte Savoy
et David Blankenstein), soutenue par les meilleures institutions savantes de la
capitale. C’était un plaisir particulier que de les revoir dans leurs lieux
naturels. Ne pourrait-on pas pérenniser le geste ?